Texte : Odile Mattei – Gilles Collomb n’est pas un inconnu pour moi. Je l’ai interviewé dans les années 84 sur FR3. Près de 40 ans plus tard, je le retrouve à la Croix-Rousse pour découvrir sa collection consacrée au pape de la gastronomie. Dossier Bocuse collector #5.
A l’époque, il était venu avec la chanteuse Stone, marraine de son musée Coca-Cola. Surprenante et originale collection dotée de 5 000 objets divers. Cette passion pour la marque rouge et blanche lui a permis de tisser des liens, d’échanger avec d’autres collectionneurs aux Etats-Unis, d’appartenir à une « communauté ».
Lui, le fils du maire de Lyon, Francisque Collomb (1976-1989) a su acquérir une notoriété avec cette collection unique en France. Cette fois-ci, j’ai rendez-vous chez lui pour une autre collection : celle-ci relative au chef iconique Paul Bocuse. Les cheveux ont blanchi, mais je reconnais Gilles Collomb, son enthousiasme courtois à me montrer sa collection.
Arrivée dans son grand appartement, très lumineux et coloré, je comprends tout de suite que ce jeune septuagénaire est un collectionneur dans l’âme.
A l’entrée, sur un tableau noir, écrit en lettres blanches par l’artiste Ben « Je n’arrive pas à m’arrêter » donne l’esprit de la décoration chargée mais composée avec goût. Puis, face à moi, un grand tableau, portrait de Monsieur Paul réalisé avec des morceaux d’assiettes cassées par son ancien chef Christophe Müller à ses heures, artiste peintre.
Je ne découvre pas un lieu habité par un syllogomane. Tout est rangé, classé par thèmes, par couleurs. Tout, c’est à dire, la dizaine de collections dont les plus remarquables : Chanel, New York, Keith Haring, Coca Cola et… Paul Bocuse. Que d’années de travail, de recherches, de dépenses, pour ce collectionneur motivé par l’admiration et l’affection portées aux artistes, aux créateurs et à l’illustre chef de Collonges.
« Paul Bocuse, j’ai une affection immense pour cet homme ! J’avais 25 ans quand je l’ai rencontré pour la première fois lors d’un déjeuner dominical avec mes parents. Je fus subjugué, conquis. » Au gré des déjeuners, il apprend à connaitre ce chef charismatique. En 1983, pour son mariage, il prépare avec ses parents et le chef, la réception des invités à l’Abbaye. Des liens se tissent.
Un jour, dans son musée Coca-Cola à Caluire, la sonnette retentit. Derrière la porte, Paul Bocuse apparait : « Montre-moi ta connerie de musée Coca-Cola ». Pendant plus d’une heure, il a regardé, posé des questions, écouté. « Cette visite inopinée a été la plus belle surprise et joie qu’on ait pu me faire dans ma vie ». Dès lors à chacun de ses voyages à Orlando, Monsieur Paul ramenait dans ses bagages des objets Coca-cola qui enrichissaient la collection.
La collection Bocuse démarre en 1985
Si Francisque Collomb (ci-dessus) ne gardait rien, Renée sa femme, conservait et notamment les factures des repas chez Bocuse qu’elle donna à son fils : « ma mère avait la collectionnite aigue ! » Le chef Christian Bourillot offrit 300 menus en sa possession, dont celui du repas à l’Elysée organisé en 1975, à l’occasion de la remise de la Légion d’honneur par Valéry Giscard d’Estaing, au chef MOF 3 * Paul Bocuse.
Gilles achète, chine, commande, échange. On lui offre aussi ! Menus, livres, courriers, cartes postales, cartes de vœux signées Paul Bocuse, guides Michelin, photos, statuettes Bocuse, assiettes soupières, plats, cendriers, couverts… des tableaux représentant le Maitre de la gastronomie française ou son Auberge de famille.
Comme s’il n’en avait pas assez, en novembre dernier, notre passionné a acheté une plaque en bronze à l’effigie de son idole 250 euros et le 12 novembre, trois assiettes à la Vente de la Vaisselle des chefs. « Une collection sans fin car tous les jours je reçois une alerte ebay, le bon coin. Je cherche, me documente mais je ne suis pas obsessionnel, je ne crise pas si je n’ai pas tous les objets Bocuse ! »
Plus de 8OO pièces rangées soigneusement.
La vaisselle utilisée quand Gilles reçoit des amis est empilée dans deux grandes armoires blanches et les objets, avec chacun leur histoire, trônent sur les étagères de la salle à manger.
Là se trouve sa pièce préférée, celle qui a la plus grande valeur sentimentale : une canette Coca-Cola dédicacée par Paul Bocuse accompagnée des billets d’avion. « Gilles, en dégustant cette boisson à 10 000 mètres au-dessus du Pacifique, j’ai bien pensé à vous, Cocacolament votre. NY TOKYO 11/04/91 » Un objet exclusif et unique.
« J’ai bossé des années, dépensé un fric fou pour mes collections. » En ce moment les prix augmentent, aux enchères, des assiettes Bocuse peuvent partir à 5000 euros, un tableau à 7 000 euros. Certains spéculent « ce n’est pas mon cas ». « Je ne vends pas, je conserve, j’échange, j’offre ». Comme beaucoup de collectionneurs, Gilles a besoin d’être entouré de ces objets qui rappellent un moment heureux de sa vie, la personne admirée.
Ils racontent une histoire, rassurent, occupent une journée de solitude. « Ma collection Bocuse a une valeur intime, sentimentale. » Pendant 35 ans, il a approché Monsieur Paul : « un homme d’une grande simplicité généreux, blagueur, c’était formidable, comme si j’étais son fils ! Quel plaisir, quel bonheur, de l’avoir connu, ma collection me le dit tous les jours. » Gilles espère que sa fille la gardera, ne la bradera pas. Mais Fanny n’a pas eu la même fascination pour Paul Bocuse. Alors ?
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